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Publié le par Polititocard

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Evacuées d'un hôtel insalubre, des familles en situation précaire attendent un relogement

LE MONDE | 22.08.07 | 16h02  •  Mis à jour le 22.08.07 | 16h02


Une casserole pleine de riz entre les mains, la jeune femme se dirige vers un petit groupe d'hommes installés sur le trottoir. Certains sont assis sur un tapis, d'autres calés dans une chaise. Le dîner est expédié en quelques bouchées. A proximité, une pile de duvets pliés dans leur housse s'élève contre un mur. Des enfants courent en tous sens, sans se soucier des véhicules qui remontent le boulevard Voltaire, à Asnières (Hauts-de-Seine).

 

 Depuis le 10 août, plusieurs dizaines de personnes campent devant Le Havre, centre d'hébergement d'urgence géré par le centre communal d'action sociale. Originaires, pour la plupart, de Côte d'Ivoire, elles se sont repliées à cet endroit, après avoir été expulsées par la police du Nouvel Hôtel, à quelques enjambées de là.

 La municipalité a accepté de rouvrir le foyer - habituellement fermé en août. Mais à certaines conditions : seules les femmes et les enfants peuvent rester à l'intérieur. Les hommes, eux, disposent d'un droit d'accès limité, le local s'avérant trop exigu pour recevoir tout le monde. Ils sont autorisés à y pénétrer pour utiliser les toilettes ou la salle d'eau. Nombre d'entre eux disent dormir sur le trottoir lorsque la nuit tombe - ce que confirment des policiers municipaux, stationnés là en permanence.

Combien de personnes ont échoué là ? Difficile à dire. Le 9 août, au matin, au moment de l'évacuation du Nouvel Hôtel, 28 adultes et 14 enfants avaient été recensés, rapporte Andrée Maillary, directrice des affaires sociales à la mairie. Un chiffre en dessous de la réalité, d'après l'un des porte-parole des familles, Ladji Meité, car des résidents étaient partis au travail avant l'arrivée des forces de l'ordre. La mairie s'étonne tout de même de l'inflation des effectifs. "Le soir du 10 août, il y avait 33 femmes, 35 enfants et 15 à 25 hommes", indique Mme Maillary. Certains responsables municipaux laissent entendre que des personnes extérieures au Nouvel Hôtel se sont agrégées au groupe.

Préparée depuis plusieurs mois, l'évacuation de cet établissement est consécutive à une décision judiciaire rendue en janvier 2002 à la suite d'une requête du propriétaire. Elle sommait le gérant et les occupants de quitter les lieux. L'évacuation a également permis de faire respecter un arrêté municipal, pris le 26 juillet, qui déclare l'hôtel "fermé au public et son exploitation interdite". Pour les édiles, "le niveau de sécurité de l'établissement au regard de la réglementation incendie (n'était plus) acceptable". Un tel constat n'a rien d'étonnant. Utilisé, à maintes reprises, par les services sociaux pour y héberger des sans-logis, le Nouvel Hôtel a rencontré d'innombrables problèmes depuis plusieurs années (incendie, etc.) Au début du printemps, le gérant est même parti avec la caisse.

Peu après avoir été délogés, les ex-occupants du Nouvel Hôtel ont reçu des offres d'hébergement : pour les ménages avec enfants, quatre nuitées à l'hôtel - éventuellement renouvelables ; pour les personnes isolées et les couples sans enfants, une orientation vers des structures d'accueil.

Indignées d'avoir "été jetées à la rue comme des malpropres", les familles ont d'abord repoussé ces propositions. Elles craignaient d'être dispersées aux quatre vents et ballottées d'un centre d'hébergement à un autre. "Tout s'est passé comme s'ils voulaient se débarrasser de nous", raconte Ladji Meité.

Pendant une dizaine de jours, la situation est restée bloquée, malgré une table ronde organisée à la préfecture, en présence d'un représentant de l'ambassade de Côte d'Ivoire.

Mais un déclic s'est peut-être produit, mardi 21 août. La municipalité a proposé aux familles de mettre en place un "comité local de suivi et d'évaluation" qui veillerait à leur prise en charge. Mme Maillary précise que des relogements à Asnières peuvent s'envisager pour les ex-résidents du Nouvel Hôtel qui ont un lien d'une certaine ancienneté avec la commune, à l'instar de ce ménage de sept enfants, qui s'est vu attribuer un T 5, récemment. "Quant à ceux qui ne sont pas asniérois, nous nous mettrons en lien avec leur commune de rattachement pour qu'elle s'occupe d'eux", complète-t-elle.

Aujourd'hui, les familles considèrent que la ville a fait un pas dans la bonne direction mais elles veulent qu'une association, telle que SOS-Racisme, soit partie prenante pour aider ceux qui n'ont pas de papiers à constituer un dossier de demande de régularisation. Soutenues par des riverains, plusieurs partis politiques de gauche, des associations et des organisations syndicales, elles ont l'intention de se rassembler, vendredi 24 août, devant l'hôtel de ville d'Asnières pour "être entendues".

 Bertrand Bissuel

Appel au rassemblement devant la Mairie d’Asnières le vendredi 24 août 2007 à partir de 18 H 00

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