Quand les RG démentent Sarkozy

Publié le par Polititocard

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lundi 26 novembre 2007 par Michel Ousseuga

Empêtrés dans les mic-macs de la mairie d’Asnières, les RG jouent au bonneteau avec les notes blanches

Un ministre de l’intérieur, devenu Président de la République, dont « la parole » est démentie par la Direction centrale des Renseignements Généraux, voilà qui n’est pas courant et même sans précédent. Déjà évoquée à plusieurs reprises par Bakchich (cf. Irangate à Asnières-sur-Seine et Les mauvaises notes de Nicolas), la patate chaude a pour cadre la municipalité d’Asnières et pour principaux protagonistes le député-maire Manuel Aeschlimann et la fondation Ostad Elahi.

Réputé il y a encore quelques mois comme « très proche » de Nicolas Sarkozy, Aeschlimann sent de plus en plus le souffre : procédures judiciaires innombrables, enquêtes préliminaires menées par la brigade financière, perquisition il y a 8 jours à la mairie par la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), audit de la chambre régionale des comptes très attendu, démissions en cascade au sein de son équipe. À quelques semaines des municipales, la mairie d’Asnières joue à Fort Alamo. Pas sûr pourtant que Sarko veuille jouer encore longtemps les David Crockett…

Au commencement donc (en 2003), un banal conflit entre la mairie et une association de riverains -l’association des habitants de la ZAC Métro-, laquelle ferraille contre des projets urbains conduits par Aeschlimann. Un conflit comme il en existe des milliers dans le pays mais que le maire entend régler à sa façon : il dénonce les liens unissant certains adhérents de l’association à la fondation Ostah Elahi. Fondation reconnue d’utilité publique mais inspirée par un penseur d’origine « iranienne ». Dans le contexte international un peu tendu, cette présence ne peut guère être très « catholique ». Un tract anonyme, relayé ensuite par une lettre de la mairie diffusée à 40 000 exemplaires met ainsi en cause l’association dénoncée comme le cheval de Troie d’une inquiétante « secte ». Ce qui vaut en septembre 2005 à Francis Delage, maire adjoint d’Asnières à la communication, d’écoper d’une condamnation pour diffamation suite à la plainte déposée par la Fondation Ostad Elahi. Un camouflet pour Aeschlimann…

Coïncidence, quelques jours plus tard, tandis que l’adjoint annonce qu’il fait appel, plusieurs journalistes sont destinataires réceptionnaires de deux notes « blanches » des Renseignements Généraux sur la Fondation. Bien que n’apportant aucun fait précis, la tonalité générale de ces deux documents estampillés « confidentiel défense » est sans ambiguïté : les opposants au maire d’Asnières et leurs amis posent assurément d’inquiétants soucis de sécurité nationale…

On s’en persuade à la lecture du Monde du 22 octobre 2005 qui publie un long article sous le titre « Une fondation mystico-religieuse inquiète les services de renseignement » ( Doc Joint).

De son côté FR3 n’hésite pas à affirmer à propos d’un « témoin » présenté comme très informé sur la Fondation, que « les hommes d’Elahi, à plusieurs reprises ont cherché à le tuer ». Et d’assurer encore que cette « affaire de secte intéresse maintenant les Américains, des inspecteurs du FBI sont venus rencontrer en France cet été les autorités, eux aussi cherchent à comprendre le fonctionnement de ce réseau et surtout sa finalité ».

Autant d’informations aussi inquiétantes que totalement farfelues [1].

Bernadette Chirac n’est pas la dernière à s’en émouvoir. En effet, l’épouse du chef de l’ État est présidente d’honneur de la fondation Elahi ! Mme Chirac exigera de récupérer auprès de la Fondation le document qui en fait foi [2] .

Bref, dans le contexte particulier de la vive tension qui règne entre Chirac et son ministre de l’intérieur, cet Irangate à la sauce asniéroise sent la poudre et électrise les esprits. D’aucuns n’hésitent pas à penser que l’irruption de ces notes blanches des RG constituent un providentiel coup de main à Aescchliman après sa déconfiture judiciaire. Un dossier dont est désormais saisi la cour d’appel de Versailles. Son président, Marc Riolacci, soucieux d’éviter une manipulation, décide de la réouverture des débats et réclame en juin 2006 la déclassification des notes RG et DST.

Le 19 juillet 2006 Nicolas Sarkozy le ministre d’État accède à cette requête : « Très sensibilisé par votre courrier, j’ai demandé au directeur général de la police nationale qu’il saisisse les deux directions qui relèvent de son autorité (RG et DST NDLR) (…) « À la suite des recherches faites en fonction des termes de votre lettre, la DST nous a transmis une fiche ( …) La DCRG n’a quant à elle, identifiée aucune deuxième note » affirme Nicolas Sarkozy.

CQFD, le ministre le certifie : il n’existe qu’une seule note des RG. Une affirmation qui n’échappe pas à Bruno de Beauregard le président de l’association ZAC Metro. Ce dernier est aussi un jeune chef d’entreprise et sa société Mayétic, une start up pionnière de l’internet a été balayée par la campagne de presse. Parmi les 14000 clients qui exploitent son système, la presse relayant les petites notes blanches souligne en effet que figurent la gendarmerie nationale, la mairie de Paris et même l’Otan. Du jour au lendemain, la Caisse des Dépôts qui a investi 4 millions d’euros d’argent public dans son entreprise refuse de le prendre au téléphone. Itou pour l’un des ses principaux clients, France Télécom. L’aventure de Mayétic se termine à la barre du tribunal de commerce par un dépôt de bilan et son PDG, rejeton depuis Saint–Louis ( !) d’une des plus vieilles familles françaises est contraint à l’exil professionnel dans la Silicon Valley. Notons que le « FBI » n’y trouve rien à redire…

De Beauregard a toutefois porté plainte pour diffamation* (note 3). Et ce n’est pas sans surprise qu’il découvre –distraction ?– que dans l’offre de preuve présentée par « le Monde » figurent deux notes des RG. En contradiction flagrante donc avec l’attestation délivrée à la justice par le ministre de l’intérieur.

N’ayant pas de raison de mettre en doute la parole d’un ministre d’État, son avocat en tire la seule conclusion possible : cette seconde note est un faux. Et de déposer plainte pour faux et usage en décembre 2006. Cette seconde plainte est très embarrassante. On sort là du train-train d’une procédure en diffamation en matière de presse. La fabrication d’un faux document estampillé « confidentiel défense » diffusé à des médias de premier plan n’est pas une petite affaire et la justice peut difficilement faire l’économie de tenter d’identifier l’auteur ; le corbeau. Exactement comme dans l’affaire Cleastream. On mesure le danger sachant que l’identité de l’homme politique qui a distribué les notes « confidentiel défense » à la presse relève, lui, du secret de polichinelle. En charge de cette instruction, le juge Turquey a clos ses investigations en septembre dernier. Bakchich peut révéler que celles-ci se soldent par un petit miracle : après avoir rangé leurs affaires, les RG ont fini par retrouver cette deuxième note. Conclusion ? Certes Sarko a écrit une connerie mais c’est pas bien grave. L’essentiel est ailleurs : Il n’y a plus de faux ! Plus de plainte et plus de corbeau susceptible d’être inquiété. Bruno de Beauregard n’entend pas toutefois en rester là. Il envisage de faire muter sa plainte en « recel de document confidentiel défense ». Pour sa part, le maire d’Asnières n’a jamais nié avoir été en possession de ces documents. Interrogé par l’AFP le 15 décembre 2006 et réfutant les avoirs communiqués à la presse, Aeschliman déclare « les deux notes m’ont été fournies par la DCRG après leur parution dans la presse ».

On peut se poser la question de savoir à quel titre les RG distribuent ainsi des documents classifiés à Aeschliman. Pour ensuite soutenir au ministre n’avoir établi qu’une seule note ! On peut également remarquer que tandis que le Président de la Cour d’appel de Versailles cherche à se procurer ces documents Aeschliman ne prend aucune initiative pour les transmettre au magistrat. « Il n’existe pas d’exemple récent qu’une entreprise ait été diffamée aussi gravement. J’ai tout perdu et mon préjudice personnel est considérable » explique Bruno de Beauregard. Si le caractère diffamatoire des accusations portée contre moi a été reconnu par la justice, Personne à ce jour n’a été sanctionné », poursuit-il . Alors, affaire classée ? Pas tout à fait. Beauregard assure disposer aujourd’hui « de l’attestation d’un journaliste, lequel affirme avec reçu des mains du maire d’Asnières, les deux notes blanches ». En octobre 2005…

[1] Ce tapage médiatique devait entraîner le placement de la Fondation Elhai sous observation par la MIVILUDES (Mission Interministérielle de vigilance contre les dérives sectaires). Dans des conclusions alambiquées et transmises à la Cour d’appel de Versailles, celle-ci conclu qu’« en dépit de l’existence de nombreux éléments constitutifs de dérives sectaires, on ne peut pour autant déclarer que l’on est confronté à une organisation sectaire, faute de signalements de victimes clairement identifiées, de dommages aux familles ou de prosélytisme caractérisé ». Pas de victimes, pas spoliations, pas de prosélytisme, seule la mairie d’Asnières se plaint de la Fondation. Concernant l’association ZAC Métro animée par Bruno de Beauregard, le président la Milivudes écrit à son propos dans un courrier en date du 12 octobre 2007 qu’elle n’a été qu’ « incidemment citée » dans sa note concernant la Fondation ELAHI.

[2] Bakchich a pu consulter le document qui atteste que Bernadette Chirac a bien été Présidente d’honneur de la Fondation

Voir en ligne : In Bakchich n°56

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